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Gouvernance : la dissociation des secteurs Culture et Tourisme dans les gouvernements, est-ce un choix judicieux?

Par Gesly J. SINVILLIER
Photo couverture © Patrice Piard Fisherman

Il n’est un secret pour personne qu’Haïti possède un potentiel culturel et touristique énorme grâce à ses plages, son climat, ses montagnes et vallées, ses sites naturels et ses bâtiments mythiques comme la citadelle, le Palais Sans-souci pour ne citer que ceux-là. On ne saurait non plus omettre de citer son histoire, ses mœurs et coutumes, sa langue, sa gastronomie (notre soup Joumou étant classée patrimoine mondial de l’UNESCO), le style original de l’art haïtien et les événements festifs comme le carnaval, le rara et ses bandes-à-pied qui en font le charme.

Malheureusement, et faute de ne pas pouvoir valoriser cet immense patrimoine culturel, le pays peine encore à exploiter au maximum ce potentiel, ô combien exceptionnel. En tant que citoyen engagé, j’ai toujours été préoccupé par notre difficulté à mettre à profit ces grandes opportunités que nous avions.

Et c’est en y réfléchissant justement, que j’ai fini par comprendre que cette incapacité est en grande partie due au fait que nous ne disposons pas d’un modèle de gouvernance adéquat qui pourrait susciter un tel essor. En matière de culture et de tourisme, Haïti s’est vu doté d’un système improductif, faisant de chacun des deux, et indépendamment de l’autre, un secteur incomplet et dont l’impuissance ne fait qu’augmenter au fil des ans.

Nul besoin d’être un génie pour comprendre que lorsqu’ils sont alliés et s’inscrivent dans le cadre d’une seule et même politique, la culture et le tourisme peuvent devenir la plaque tournante d’une économie à échelle d’un pays. D’ailleurs, nombreux sont celles et ceux qui sont du même avis et encouragent, à longueur de journée, de les combiner pour une gouvernance efficace des deux secteurs. Je pense à ces mots de Kenrick Demesvar, historien et spécialiste du patrimoine : « Ce pays (Haïti) est très riche culturellement pour être pauvre économiquement ».

Une alliance entre ces deux secteurs ne sera néanmoins effective que si, au plus haut niveau de l’État, nos dirigeants en voient la nécessité. Cependant, la volonté de les réunir et d’aboutir à ce que j’appellerai ici, un « tourisme culturel », semble étranger à nos hommes politiques. Pourquoi avons-nous jusqu’à présent, deux ministères distincts ? L’un s’occupant du tourisme et l’autre de la culture ? Le dernier étant, de surcroit, associé à la communication. En analysant les missions ainsi que les réalisations jusqu’ici  de chacune d’entre elles, on comprend aisément que le travail de ces deux entités gouvernementales a une seule et même finalité. Celle de promouvoir les valeurs historiques et culturelles d’Haïti pour en faire une référence touristique dans la Caraïbe.

Depuis toujours, les gouvernements ont conforté cette distinction entre le ministère de la culture et celui du tourisme en leur laissant une totale autonomie pour conduire une même politique, mais Séparément. Il suffit d’observer comment ont été constituées les équipes gouvernementales qui se sont succédé, pour en avoir le cœur net. De l’avis de certains observateurs, ce serait la conséquence du marchandage de poste entres quelques acteurs politiques qui ont conduits à cet éloignement des deux secteurs, pourtant complémentaires. L’idée étant de créer le plus de postes possible au sein du gouvernement pour satisfaire alliés et opposants politiques, qu’il s’agisse de dissocier des domaines qui auraient pu être mis ensemble pour favoriser un développement réel du pays.

Dans la perspective d’une gouvernance que je qualifie comme étant productive, la culture et le tourisme doivent être réunis sous la tutelle d’un seul et même Ministère, dans une même vision, sous un même leadership. Ce faisant, on créera une synergie qui favorisera la croissance effective de ces deux domaines simultanément en ce sens que la promotion de la culture sera automatiquement intégrée dans les stratégies de développement du tourisme tandis que les bénéfices économiques générés par le tourisme seraient immédiatement réinvestis dans la sauvegarde et le réaménagement de nos espaces culturels.

En réunissant tourisme et culture sous la tutelle d’un même Ministère, l’on pourra encourager une meilleure utilisation des ressources du pays par l’État, pour les développer simultanément et améliorer la performance gouvernementale. En exploitant avec « efficacité » notre patrimoine culturel pour attirer des centaines de milliers de visiteurs locaux ou étrangers tous les ans, le secteur touristique serait en mesure de générer des revenus économiques importants pouvant placer Haïti sur une trajectoire de développement durable.

La culture se révèle en ce sens une composante clé favorable au tourisme qui, en retour, la propulse vers le marché extérieur. Si l’un apporte du contenu, l’autre apporte certainement des revenus.

Retenons que cela ne pourra se faire efficacement que si la culture et le tourisme sont réunis sous une même entité de gouvernance qui partage une vision commune et s’engage à défendre des valeurs patriotiques haïtiennes. Repartir le tourisme et la culture entre deux ministères distincts comme c’est le cas aujourd’hui, revient à renoncer à ce qu’ils soient un jour exploités pour le bien-être de chaque haïtien et haïtienne qui se couche en espérant un meilleur lendemain.

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